Ben Man, le chanteur gospel congolais basé à Goma, a sorti sa dernière chanson « Umoja » il y a un mois. Un titre qui sensibilise sur l’amour et la cohabitation pacifique dans son pays, en perpétuel conflit depuis plusieurs décennies. Depuis ses 8 ans, le chanteur et rhéteur a été bercé dans la musique de l’église de sa communauté mais reste ouvert à des collaborations de tout style.
Deuxième d’une fratrie de 7, Erick Omari Mongelwa, de son vrai nom, est natif de Goma au milieu des années 90. C’est en 2010 qu’il découvre sa passion pour la musique lorsqu’il gardait les chèvres pour ses grands-mères. Dans la solitude de la brousse, il s’amusait à interpréter les chansons de Lokua Kanza, Matou Samuel et du groupe gospel Gaël.
L’église comme point de départ
Il poursuit sa passion dans l’église de sa communauté où son pasteur lui donne la chance de prester devant un public. « Je me suis dirigé dans le gospel car c’est dans cette catégorie que je me suis senti libre », a souligné Ben Man dans une interview exclusive qu’il nous a accordée.
« Il y a un jour où j’ai juste demandé de l’espace au pasteur de mon église et sans tarder, il m’a donné l’accès pour chanter. Et là, j’ai étalé tout mon talent d’artiste qui a plu au pasteur ». Comme dans son église, sa famille l’encourage à poursuivre sa passion.
Après avoir adhéré à la chorale de l’église, la voix harmonieuse de Ben Man a suscité l’attention de grands chanteurs de son entourage. Ce qui va lui permettre d'accroître sa popularité auprès de ses proches et de continuer de parfaire son talent. C’est en 2014 qu’il décide de se lancer en solo où il va composer sa première chanson : « Bolingo ya motema ».
Cette première sortie de Ben Man va le propulser et va lui permettre d’être invité à plusieurs projets artistiques dont les plus marquants sont ceux, en 2015, qui a rendu hommage à la population meurtrie de Beni et en 2016, qui a commémoré le militant de la LUCHA Luc Nkulula.
Si le public le découvre encore un peu plus, Ben Man s’est heurté au quotidien à un obstacle : « Depuis que je fais de la musique de façon proprement dite, je suis heurté à certaines difficultés comme le manque de moyens. Il arrivait que je sois inspiré, j’écris une chanson mais il n’y a pas les moyens financiers pour aller enregistrer au studio », a-t-il stipulé.
Prôner la paix en s’inspirant des atrocités du Kivu
Ben Man s’inspire des mélopées de son vécu personnel et de la musique des communautés du Kivu. Il transpose ses émotions intérieures et le monde qui l’entoure dans les chansons profondes et expressives qui résonnent avec émotion.
« C’est très simple pour moi d’être inspiré », a déclaré Ben Man. « Parfois quand je suis dans ma chambre, avec tout ce qui se passe dans mon pays, les conflits armés, les guerres à répétition, les violences…il m’arrive d’écrire les chansons ». A titre d’exemple, dans sa dernière chanson sortie « Umoja », il fait un appel à l’amour, au pardon et à la cohabitation pacifique entre les peuples de sa communauté. « En tant qu’artiste, je joue le rôle d’initiateur entre les peuples. Dans mes chansons, je prône l’amour du prochain, l’unité. Je rêve d’un monde de paix et sans tribalisme », a-t-il souligné.
Ses mélodies, qu’il conçoit la plupart du temps seul, sont teintées de douceur et de mélancolie et invitent à l’éveil des larmes libératrices et à la contemplation. A ce jour, il compte à son actif 5 clips sur sa chaîne YouTube. Il a livré son premier concert solo public à l’institut Français de Goma où ses interprétations n’ont pas laissé le public indifférent. « J’étais timide mais j’ai aimé l’ambiance du public », a avoué Ben de cette expérience. « J’ai vite compris que j’étais destiné à être musicien grâce à ce concert ».
Le gospel ouvert à des horizons divers
Contrairement à plusieurs chanteurs congolais, débutant dans le gospel et qui se convertissent après, Ben Man ne compte pas suivre ce chemin. « Moi je resterais un chanteur gospel mais ouvert », a-t-il précisé. Ouvert, pour lui signifie participer dans le développement de son pays en collaborant avec les artistes profanes si « leurs démarches artistiques sont conformes à mes idéologies ».
En mars 2021, Ben Man fait le refrain de la chanson « Bosembo » du slameur Ben Kamuntu. Ce tube s’inspire du rapport mapping qui cartographie les atrocités commises à l’est de la RDC en allant de 1993 à 2003. Ce projet, Ben Man le compte parmi ses plus grandes réalisations de carrière. « J’ai rêvé collaboré avec un artiste de ma ville et Ben était là. La chanson « Bosembo » a fait à ce que beaucoup de gens me connaissent ».
Serveur dans un restaurant de la place, au-delà de la musique, Ben Man prépare son premier EP qui contiendra 5 chansons. « Les chansons contiendront toujours les messages d’amour, de cohésion sociale et pour adorer Dieu », nous a-t-il précisé. A présent, l’artiste n’a pas dévoilé la date officielle de la sortie du projet mais ça sera avant la fin de 2023.
David Kasi