Do Nsoseme, slameuse et photographe engagée, s'est confiée sur sa carrière, sa démarche artistique et son engagement pour le féminisme. Elle est revenue sur sa prestation au festival “Les mots à défendre” organisé par Joëlle Sambi au Théâtre National Wallonie-Bruxelles, où elle a partagé la scène avec Micro Mega, le slameur.
Interview.
1. Comment avez-vous commencé votre carrière artistique et qu'est-ce qui vous a inspiré à faire du slam et de la photographie ?
J’ai commencé par écrire des poèmes à l’école secondaire. Je participais aussi aux concours inter scolaires. Après mon bac, j’ai rejoins le collectif « Au pays des poètes » initié par un de mes camarades d’école, Ben Kamanda. Le collectif regroupait des poètes, slammeurs et autres artistes (peintres, sculpteurs, etc.) j’ai évolué avec le collectif de 2012 à 2014. En 2012, j’ai également commencé mes études à l’académie des Beaux-arts de Kinshasa en communication visuelle. C’est là que j’ai rencontré un peu plus la photographie qui m’intéressait depuis un bon moment… enfant je rêvais d’être chanteuse, écrivaine, actrice et photographe de guerre. Ce sont des rêves que j’ai beaucoup chéri en grandissant. Mes parents les ont nourri en m’achetant des livres, etc.
2. Comment décririez-vous votre style artistique et comment cela se reflète-t-il dans vos textes et vos photographies ?
Je dirais que mon travail est en partie autobiographique et documentaire, mais tout cela stylisé ou du moins vue avec mon regard. Je pars de moi vers l’autre, mes rencontres, mes questionnements, mes aspirations et je peins la société avec mes mots ou mes photos. Par exemple, dans mon texte « Le Congo de demain », je me questionne sur l’avenir de mon pays, j’examine la société dans laquelle je vis aujourd’hui. Dans mon travail photo « Grand Prêtre Mère » je me questionne sur les valeurs culturelles, idéologiques et consacrées du costume d’homme.
3. Vos textes de slam sont souvent considérés comme des porte-voix pour les femmes congolaises. Pouvez-vous nous parler de votre engagement en faveur des droits des femmes et des filles en RDC ?
Je suis une femme et les histoires de femmes m’intéressent. Ma manière à moi de contribuer au mouvement pour plus d’égalité et d’équité, pour plus d’opportunités pour les femmes c’est à travers mes textes. Il est important pour moi de mettre la lumière sur les réalités difficiles que vivent les femmes du Congo, notamment la guerre, les viols et massacres, les injustices de toute sorte. L’idée en devenant slameuse était de parler pour moi mais aussi des autres, je le dis dans mon texte slam « Pourquoi je slame? ». J'ai écrit « J’ai décidé de slamer, d’agencer quelques mots et de les claquer, de parler de tout et de rien, de moi et des autres terriens. » c’est ce que je fais jusque là, je parle pour les causes qui me touchent. La cause des femmes, la paix, les droits humains, etc.
4. Votre travail artistique parle également de l'histoire de votre pays. Comment pensez-vous que l'art pourra contribuer à la préservation de la mémoire collective et à la compréhension de l'histoire de la RDC ?
Dans plusieurs sociétés, l’art a été utilisé pour véhiculer des messages, pour enseigner parfois, pour conserver également la mémoire. Je pense que ceux qui viendront après moi, dans quelques années, lorsqu’ils liront mes textes, ils auront une idée de ce qui se passait à mon époque. Mes slams, mes photos peuvent être vu comme un moyen d’archiver la mémoire collective.
Je suis beaucoup plus consciente de cela aujourd’hui et donc plus exigeante avec moi-même, parce qu’il ne s’agit pas que de s’exprimer mais aussi de laisser un héritage.
5. Vous avez participé à plusieurs événements culturels en Belgique ce mois de mars dédié à la femme. Pouvez-vous nous parler de votre expérience et de ce que vous espérez accomplir avec votre travail artistique ?
Je pense que c’est toujours bien quand notre travail s’exporte sur d’autres cieux. Pour moi, ça m’interpelle, ce qui se passe chez moi ou en tout cas ma sensibilité peut toucher d’autres publics, pas que ma communauté et j’aime l’idée du partage. Donc, ce que j’espère accomplir c’est cela, le partage, les rencontres car c’est là que davantage d’idées et d’opportunités naissent.
David Kasi