Pour commencer, posez-vous cette question : Êtes-vous vivant ? si oui, comment le savez-vous ? N’est-ce pas grâce à cette matière invisible qui voyage du bout de votre nez jusque dans vos poumons ?
L’air…voilà ce qui vous garde vivant. Vous ne pouvez pas le toucher mais lui vous touche, tendrement, vous rappelant votre capacité à ressentir la joie, la peine, la douleur... Vous rappelant votre nature profonde : « un être-vivant ».
A la rencontre de l’air chaud et de l’air froid, un phénomène magnifique se crée : c’est le vent.
Sentez-le caresser tendrement les poils le long de votre bras pendant que vos yeux parcourent ces quelques lignes. Respirez !
Face à l’anxiété et l’impatience d’un avenir sans hâte, devant son ordinateur ou son tableau blanc, qu’importe le temps, qu’importe le lieu, le vent est ce qui nous ramène dans le présent, nous rappelant qu’il n’y a ni victoire ni défaite dans le cycle de la nature, il n’y a que du mouvement.
Scientifiquement, lorsque quatre vents venant des différents axes cardinaux se rencontrent, un autre phénomène merveilleux se crée : c’est le tourbillon.
En dialecte swahili de Lubumbashi, le tourbillon est traduit par ces deux mots : « Vunda-vunda ».
Vunda vunda est inspiré du vent. Tout a commencé en 2018 lorsque Georges Assani prenait un bain d’air seul sur une haute montagne dans la brousse à proximité du monastère Notre Dame des Sources à Kiswishi, dans l’ancienne province du Katanga.
Il méditait sur la loi de l’attraction et le sens de la vie, laissant son esprit devenir léger comme une feuille qui tombe de l’arbre. Tout d’un coup, un vent fort s’est levé et en un clin d’œil, tout s’est confondu : les feuilles mortes, le sol poussiéreux, et tout ce qui est léger s’est levé dansant au rythme des champs d’oiseaux, ne faisant qu’un avec la nature. Tout s’est mis à voler vers le ciel. Tout, même son fidèle chapeau.
C’est là que, cœur indécis entre l’émerveillement et l’angoisse, la pression du vent et la liberté du mouvement, il décida d’écouter les chuchotements faisant échos dans son cœur, lui disant : « Crée une nouvelle technique ».
Il était temps de créer une nouvelle manière de pratiquer l’art plastique.
Puisant dans sa riche culture congolaise, et honoré d’être une infime partie de cette mosaïque, il choisit le swahili de Lubumbashi pour nommer sa technique : Vunda-Vunda.
Ces deux mots qui sortent de notre bouche bondissant comme deux grains de paradis, représentent plus qu’une technique d’art plastique. Ils portent en eux un pouvoir créateur, dont la limite repose uniquement dans l’esprit de l’artiste. L’artiste joue ainsi un rôle important dans sa communauté et est tenu de transmettre la véritable histoire de son peuple. Il est un élément clé dans le processus du développement de son pays, de sa communauté.
De la même manière que Vunda vunda comme tourbillon nécessite la rencontre de plusieurs vents venus d’ici et d’ailleurs ; nous, citoyens et membres d’une communauté donnée, sommes appelés à nous réunir vers une même vision, chacun apportant sa part en vue du développement durable de cette communauté. L’unité dans la diversité qu’importe les origines, voilà en quoi consiste la philosophie et quête spirituelle Vunda Vunda.
Jeune ou vieux, pasteur ou peintre, ici et maintenant, notre effort est requis pour faire bénéficier à tout le monde, les fruits de notre potentiel, notre talent. Prenons un peu de recul, et faisons comme Georges.
Georges a réalisé son premier portrait alors qu’il était âgé de 3 ans. Sur le sol, il a réussi à dessiner le portrait de sa mère. C’est ce sol poussiéreux de Lubumbashi qui l’a vu grandir. Pendant la saison sèche, le sol devenait très sec et léger même un petit vent pouvait produire un tourbillon remarquable. Tout petit, il prenait plaisir à contempler le mouvement de l’air.
Depuis son premier dessin, Georges est en contact permanent avec la nature qui reste une inépuisable source d’inspiration pour lui.
Il utilise toujours de matières organiques, végétales ou animales, pour constituer sa peinture : fleur, feuilles, sol, eau, farine, sont à chaque fois au rendez-vous pour raconter une nouvelle histoire sur son tableau blanc.
Quelle meilleure façon de démontrer que l’on peut transformer en beau ce qui semblait être perdu ! Il suffit simplement d’épanouir son esprit aux limites de l’infinie.
Le peu que nous possédons est une bonne base pour produire plus en faveur de nous-même, de nos enfants, du Congo et même de l’Afrique.
L’Afrique de Georges, une Afrique sans limites.
Le monde de l’art est un monde ouvert qui exige celui qui le visite de se libérer de tout jugement et se laisser porter par le vent. Pour Georges, l’art est une expression de l’âme, une âme libre de créer sans limite de temps ou d'espace. L’art c’est la liberté d’expression.
L’art est un langage universel ; qui se manifeste de différentes façons mais possédant une même âme. C’est l’expression d’un sentiment intérieur de l’homme, l’expression d’une vérité authentique.
Georges rêve d’un temps où l’art africain ne sera plus “dénigré”. Pour y arriver, il faudra que l’artiste congolais et africain, arrête de pratiquer l’art pour plaire aux autres ; prendre le risque de découvrir l’être qui se tient au fond de chacun, et écouter son langage, se laisser guider, et être capable de créer ses propres limites.
L’art africain s’inspire de sa culture et ses traditions pour répondre à la demande sur les marchés et relater son histoire.
« Cet art ne pourra pas se développer tant que l’artiste africain attendra sa validation des occidentaux. C’est un sabotage solennel de son esprit créatif. Il est temps que l’artiste africain reprennent le pouvoir de créer sa propre histoire se basant sur sa culture, car valoriser sa culture c’est contribuer au développement de son pays ».
Ainsi a déclaré Georges Assani lors de l’interview avec MNKF Creatives.
Le temps est venu de se délier des masques, qui fondent le noyau de l’art africain, et de commencer à raconter. Raconter une nouvelle histoire, pas celle des ancêtres, celle que l’on nous a relatée depuis belle lurette, mais il est temps de narrer l’histoire que nous vivons, et celle que nous voudrions raconter à nos enfants. Le temps est venu de prendre nos pinceaux afin d’étendre ces horizons, pour les générations présentes et futures car l’Afrique évolue, et nous devons évoluer avec elle.
Vunda vunda est donc un rappel à tout citoyen congolais : « Débout congolais, et marche. »
Allons Allons , avec un esprit libre comme le vent.
Pas à pas, vers un lendemain plus lumineux que la veille assombrie par les ombres de nos rêves inachevés…
Allons-allons, c’est l’intitulé de l’œuvre que Georges Assani a réalisé, lors de son passage à Uhuru Knowledge Center (Saké, Masisi) où pendant 10 jours, il a tenu une résidence en art plastique avec les jeunes artistes locaux.
L’œuvre représente un jeune homme avec son Tshukudu, marchant vers une fumée opaque, un brouillard très obscur, mais entouré de lumière et des gens derrière lui.
Cet homme c’est vous et moi, artiste du lendemain, leader du changement dans notre précieux héritage : le Congo.
Comme pour la majorité de ses œuvres depuis cet après-midi-là sur la montagne près du monastère, Georges Assani utilise sa nouvelle technique Vunda-vunda pour pratiquer l’art plastique.
Vunda vunda prône la liberté d’esprit car elle seule nous libérera de nos cœurs longtemps enchaînés et cachés sous les masques de ceux qui n’ont pas eu suffisamment de courage pour faire face à leur histoire, leur future, faire le premier pas et puis un autre et ainsi de suite…
Nous sommes le présent et l’avenir. Nous sommes « aujourd’hui », la base sur laquelle repose l’espoir de l’existence d’une génération future, un Congo débout et en marche.
Ensemble, nous nous devons de marcher, un pas après l’autre, pour frayer un chemin à ceux qui nous succèdent. Nous sommes créateurs de nos propres limites, faisons qu’il n’en ait pas.
Pour défendre et officialiser cette nouvelle technique, les musées nationaux de Lubumbashi et de Kinshasa organisent une exposition individuelle qui aura lieu en décembre 2021. Un public national et international est convié pour découvrir la philosophie de l’art, la technique vunda-vunda en tant qu’un nouveau courant de l’art plastique.
Venez nombreux pour partager une expérience inoubliable avec l’art et la nature.
Emmanuella Kahete.