UN VOYAGE DE 1000KM COMMENCE TOUJOURS PAR UN PAS, DIT-ON.
Faire le pas demande de la volonté, du courage : le premier pas est l’étape la plus importante pour un voyage et certainement la décision la plus stressante. Tout commence par une idée, une pensée qui traverse notre esprit, telle une comète qui traverse le ciel obscur. Ensuite nous décidons d’y croire et de la mettre en action, ou de rester indifférent. C’est une question de choix. A mon avis, décider de se lever pour poser un pied par terre et parcourir ce chemin est un acte extrêmement courageux.
Le premier pas devient alors la promesse de réussite, l’espoir d’y arriver, le risque d’échouer mais toujours, le courage d’essayer. Essayer d’escalader 8000 Mètres, prendre le risque de quitter la chaleur de sa maison pour aller escalader une montagne en feu, Le Nyiragongo.
Si tout voyage promet des nombreuses surprises, le risque de la randonnée sur le Nyiragongo promettait les blessures, les fractures, les embuscades sur la route, et bien plus. Tout était possible. Le risque de perdre sa vie était aussi envisageable face à l’insécurité qui régnait sur les routes. Mais ayant tu la voix des pensées négatives, et écouté l’appel de l’aventure que promettait la montée de ce volcan en activité, je ne pouvais répondre par un oui.
COMMENT EN SUIS-JE ARRIVEE A ESCALADER LA MONTAGNE DE FEU QUI SURPLOMBE LA VILLE DE GOMA ?
Tout d’abord un petit rappel historique : Le Nyiragongo est une montagne volcanique située à l’Est de la République Démocratique du Congo, dans la province du Nord-Kivu. Sa plus récente éruption date du 17 janvier 2002, à la suite de laquelle la ville de Goma fut presque entièrement détruite par la lave volcanique. Aujourd’hui, c’est toujours un volcan actif.
De chez moi à Goma, je peux admirer de loin la grandeur du volcan, il est toujours présent, comme s’il nous tenait compagnie, veillait sur nous. A la tombée de la nuit, la lueur rouge qui apparait dans le ciel nous signifie qu’il est là, dans son activité, toujours présent, offrant un paysage paisible à contempler même lorsque le brouillard a caché les étoiles. Le fantasme de se rapprocher de cette montagne est inévitable. Ne fut-ce que pour contempler sa grandeur de plus près.
« C’est dangereux d’y aller », ont dit nos parents ; « c’est impossible d’accomplir ce rêve », répètent les personnes de votre entourage. Mais si votre cœur est aussi aventurier que le mien, alors vous savez au fond de vous-même, qu’il faut passer à l’action : escalader la montagne de feu.
PASSER A L’ACTION ? FACILE A DIRE QU’A FAIRE.
C’est bien trop beau de rêver accomplir quelque chose, décider d’agir c’est autre chose. En décidant d’’agir, il faut assumer toutes les conséquences qui pourront survenir ultérieurement. Surtout lorsqu’il faut signer des clauses de votre approbation et de la conscience des risques potentiels allant jusqu’à la mort. Pendant un instant, j’ai été tenté de ne pas signer, abandonner le rêve, mais j’ai décidé de prendre risque. On ne sait jamais ce que la vie nous réserve, avec une attitude positive, on abordera toutes les situations avec plus d’énergie et tout ira bien, me suis-je convaincue.
Le chemin à parcourir pour arriver au sommet du volcan Nyiragongo est assez étroit. L’on ne peut y passer à deux horizontalement, on ne peut courir car ne sachant pas à quoi s’attendre exactement la prochaine fois que la pointe du pied touchera à nouveau le sol. C’est un chemin périlleux, il faut être attentif et suivre les instructions du guide. Durant la marche, la cadence change constamment. Par moment c’est un chemin boueux, d’autres fois caillouteux. Par moment c’est un chemin aplani, d’autres fois il faut escalader. Mais dans l’un ou dans l’autre cas, ce qui est important est de marcher pas à pas, un pied après l’autre. Vous glisserez souvent, tomberez parfois, mais autant de fois vous serez tombé, autant il faudra se relever pour continuer le chemin.
Pas à pas, c’est la marche à suivre, un pied après un autre. Pas besoin de courir, marchez à votre rythme, sachant que l’on atteindra certainement le sommet. Ne vous pressez pas, cela ne sert à rien car sinon, vous serez en train de passer à côté d’une expérience incomparable : la beauté de la nature sur Nyiragongo.
Là plusieurs nuances de verts sont en parfaite harmonie avec les fleurs de diverses couleurs. Le ciel parfois bleu, parfois gris mais toujours beau n’a pas oublié l’histoire du Nyiragongo. C’est peut-être la raison pour laquelle il pleure souvent en voyant ces cicatrices : Il pleut. Cet ensemble hétérogène, de la flore diversifiée au temps versatile en passant par les différentes roches sur le chemin du Nyiragongo forme un tableau magnifique, absolument parfait qu’il vaut la peine de vivre au moins une fois dans sa vie. Là tout peintre puiserait son inspiration, le poète converserait avec le subliminal, le musicien se laisserait emporter par l’hymne de la nature. Là, l’esprit prend vie, l’âme se libère pour se marier à la symphonie de l’existence dans toute son harmonie et ses facettes.
Moi qui pensais aller à l’aventure physique en entreprenant le voyage vers le sommet de ce majestueux volcan, je me retrouve dans une autre dimension de la contemplation de la création toute entière. La randonnée sur le Nyiragongo me rappelle du voyage qu’est la vie.
MAIS A CHAQUE ETAPE, IL FAUT SE REPOSER. SOUFFLONS UN PEU.
En escaladant la montagne de feu, il y a des repos intermittents après chaque étape franchie. Il est important de se reposer après un temps, pour reprendre le souffle et un peu d’énergie, pour s’hydrater aussi. En y réfléchissant un peu, n’est-ce pas de même dans la vie ? Dans le long parcours vers votre but, peu importe de quoi s’agit-il, il est important de se reposer, de prendre le temps de se recentrer avant de continuer. C’est aussi le temps de célébrer les succès accomplis jusque-là. C’est un moment de contemplation : rester présent, respirer, regarder, écouter. Et avancez.
Il est temps de continuer la montée.
Si le changement de temps peut être favorable, il est assez défiant durant la montée du volcan. En avançant, l’énergie se consume, la vision devient de plus en plus floue, on se demande si vraiment ça en vaut la peine. En ce moment, où l’horizon devient obscur, et où l’on se sent perdu, la concentration est essentielle. Pourtant, la fatigue ne permet pas d’être si concentrée, même si on a tant de volonté. On trouvera réconfort dans les compagnons de marche. Par grâce, on rencontrera en plein parcours des amis, qui marchent également à leur pas, à la recherche d’un but, d’une raison qui donnera du sens à la douleur dans leurs jambes fatiguées de poursuivre ce rêve un peu fou. Ces amis pourront nous être une source de lumière, s’ils sont bienveillants.
En plein parcours, je me souviens de Maureen qui m’a dit, alors que je plaignais de la distance qui restait à parcourir :
« N’y penses pas, a-t-elle dit. Certainement on y arrivera, mais pour le moment il faut avancer, il faut juste mettre un pied avant l’autre, un pas à la fois, à ton rythme. »
et à moi de lui répondre « quelle bonne philosophie. »
Elle avait tout à fait raison, et cette bonne philosophie m’a permis de profiter de chaque instant, de chaque pas, même pendant la tempête.
Et si en route on rencontrait de la tempête ? C’est incroyable de le dire quand on a vécu à Goma, mais tout est possible sur le Nyiragongo.
On nous a appris en géographie que lorsque l’on monte en altitude, la température diminue. Pour moi cette déclaration ne valait pas grand-chose jusqu’à ce j’expérimente la théorie. A un moment du parcours, il a commencé à pleuvoir. A mesure que l’on montait en altitude, il a commencé à grêler, puis ce fut une tempête de grêle, presque insupportable, qui nous a refroidit le sang, c’était inimaginable. Mais je peux imaginer que c’est ce qui arrive au vaillant qui a décidé de poursuivre son rêve. A mesure qu’il avance, les difficultés se font de plus en plus sentir. Terrible ressentiment, où l’on se remet en cause, et l’on remet tous ses choix en cause.
Le seul secret dans cette tempête, c’est d’avancer, continuer à marcher et surtout ne pas s’arrêter. Ainsi, nous avons continué notre parcours, malgré que nous ne ressentions plus certaines parties de nos corps : mes mains étaient glacées et je ne pouvais ressentir ni douleur ni toucher.
Je me suis rappelée alors de ces paroles :
« Quand les choses se compliquent, il ne faut pas abandonner. Quand c'est difficile, soyez encore plus forts. Les choses difficiles sont mises sur nos chemins non pas pour nous arrêter, mais pour faire appel à notre force ». (When it’s hard, do it harder.)
Ceci a l’air d’une pensée que vous avez maintes fois écoutés, propres aux gens qui croient que la vie est si simple, qu’il ne suffit que de positiver pour être heureux. Et vous avez raison. Seulement, la vie n’est pas du tout simple, elle est faite des hauts et des bas, parfois plus de bas que de haut. Mais ceci n’est pas une raison d’inviter la mort dans notre âme avant même que notre corps ne se soit usé. Pendant que nous sommes ici sur terre, nous nous devons de vivre chaque instant, le vivre pleinement.
Désolée mais il n’y a pas d’excuse à ne pas être heureux, à ne pas accomplir ce rêve, à ne pas vivre cet amour.
Vous aurez tout de même besoin de quelques éléments pour mener à bout votre périple :
Un back-pack complet : un sac comprenant de l’eau à boire, un sac de couchage, un poncho et « tout » ce dont vous aurez besoin pour vous réchauffer. Toutefois, je vous conseillerai d’écouter votre cœur qui vous répète de prendre de chaussettes, des habits de rechanges, des gants et un bonnet, plus des habits chauds encore car en fait, si vous ne suivez pas votre instinct, vous vous rendrez compte qu’il manque bien de choses dans le back-pack et que malheureusement c’est trop tard puisque vous vous trouvez déjà au sommet où il fait 3 degré Celsius la nuit.
Apportez aussi la foi dans votre cœur : Elle vous donnera espoir, vous rappellera votre volonté lorsque les pensées négatives tourbillonneront dans votre esprit. Elle sera une lumière pour vous guider sur ce long chemin. La foi influencera votre attitude positive face aux obstacles à franchir. Face aux prochains défis à emporter.
Avec une attitude positive, l’on est capable de remporter n’importe quelle victoire, d’escalader n’importe quelle montagne, de franchir n’importe quel obstacle et d’arriver au sommet.
Une vision, un but à poursuivre, un objectif à atteindre. Sans vision, il est impossible de persévérer, sans but, on navigue dans le vide. Il faut transformer le rêve en vision avant de décider de l’accomplir. C’est un processus, n’oubliez pas. Une fois que vous avez commencé votre voyage, vous ne pouvez plus revenir en arrière. La vision doit vous aider à rester focaliser sur le but à atteindre. Ma vision, était celle d’atteindre le sommet du Nyiragongo, la vôtre est sans doute différente. Cette vision doit être subdivisée en différents objectifs à atteindre au fur et à mesure.
En achevant chaque objectif, prenez le temps de célébrer, profitez pleinement. Et célébrez également les victoires des autres. Cela fut un plaisir de chanter pour l’anniversaire de Diego en allant, et de Marlou au retour.
L’ARRIVEE ? OUI, NOUS SOMMES ARRIVES AU SOMMET !
La plus difficile étape de l’escalade du Nyiragongo est juste près du sommet. A près de 200 mètres du sommet qui se dévoile en face de nous, la pente devenait plus raide, les pierres roulantes et le parcours plus dangereux. Au-delà de ses deux pieds, l’aide d’un bâton devenait nécessaire pour finir la montée.
Ce Nyiragongo, comme dans le parcours de la vie, comme une course, les quelques pas avant la ligne d’arrivée sont les plus intenses et les plus difficiles à franchir. On ne peut plus se dérober, on ne peut fuir. Une respiration, un pas à la fois, se remémorer de sa vision et célébrer le parcours presque terminé.
Valait-il la peine d’entreprendre cette aventure ? Oui, sans hésiter. Le sommet du Nyiragongo est un spectacle inimaginable. La nuée rougeâtre que j’apercevais de ma maison est tout simplement la lumière produite par les laves qui brulent dans le cratère. Assises au bord du cratère, on écoute le Nyiragongo gronder, se plaindre ou murmurer. Un son lourd et imposant telle les plaintes inaudibles que l’on porte dans nos cœurs. Le vent souffle, il fait froid, très froid. Ce soir-là, nous nous coucherons près du ciel, avec une vue privilégiée dans les entrailles de la terre.
Le Nyiragongo, mystérieux, majestueux nous aura donné des leçons pour toute une vie. On le quittera mélancoliquement, mais les souvenirs vécus resteront gravés dans nos mémoires.
EPILOGUE
La vie est un voyage, elle est une succession d’évènements, une acquisition d’expériences. Au cours de ce voyage, il y a beaucoup d’endroits à découvrir autant en soi, qu’autour de soi. Il y a beaucoup d’expérience à tenter. La vie est une aventure. A travers chacune de ces expériences, à chaque risque pris, nous apprenons tellement des vérités, sur nous-même, sur le monde, sur les autres et sur la vie en général. Au cours de ce voyage, nous comprenons que Tout n’est qu’une seule chose.
Chaque chose porte en elle-même une connaissance infinie. Tout n’est qu’une seule chose. C’est ainsi qu’on peut trouver des réponses à nos plus profondes préoccupations, juste en réfléchissant au processus à l’issue duquel une chenille se transforme en papillon. L’on peut apprendre des arbres qui poussent, des feuilles qui sèchent, tombent et repoussent selon les saisons. La vie nous apprend à travers différentes circonstances faisant partie d’un seul cycle. Ainsi, par exemple, l’on peut se rendre compte des merveilles de la création en contemplant un grain de sable dans le désert. On peut retrouver l’espoir de continuer à croire en nos rêves en contemplant le ciel au cours d’une soirée, où une seule étoile brille derrière les nuages gris qui passent et repassent sans altérer la lumière de cet astre. Ce ne sont pas que les arbres, le désert ou les étoiles parlent, mais c’est plutôt notre cœur qui nous dévoile les secrets de la création. Il est dès lors essentiel d’écouter son cœur, car lui seul comprend le langage secret de la nature et de la vie.
Car si dans la vie chacun a un rêve, une vision ou tout simplement des objectifs, sans lesquels la vie ne vaut pas la peine d’être vécu, chaque action menée fera partie d’un cycle donné. Chaque expérience offrira de la nouveauté, de la beauté et de la curiosité qui seront des outils utiles dans le long processus de devenir qui nous avons besoin d’être. Pour cela, il faut de l’apprentissage et de la préparation en amont de l’aventure à entreprendre. Il faudra être prêt à des sacrifices, s’il en faut. Mais avant tout, il faudra être prêt à prendre la plus importante décision : faire le premier pas.
ET SI VOUS FAISIEZ CE PREMIER PAS ?
C’est le début d’une année, elle est aussi inconnue et mystérieuse comme le Nyiragongo. Après une année pleine des défis à n’en plus compter, que nous réserve 2021 ? Souvenez-vous, dans votre petit sac, emportez l’essentiel : ayez la foi, une attitude positive pour poursuivre votre vision ; et surtout écouter votre cœur. Et certainement cette année viendra avec sa vague des surprises, je vous le promets. Quoi qu’il en soit, agréable ou désagréable, n’arrêtez jamais de rêver, et rêvez grand.
La randonnée sur le Nyiragongo m’a ainsi beaucoup appris. Le chemin aller est aussi différent du retour, le but en sont égalent différents. J’espère que vous aussi arriverez bientôt au sommet, bien que là ne se trouve pas le trésor car le trésor se trouve dans votre cœur. N’oubliez pas que vivre pleinement c’est passer à l’action. Mais n’oubliez pas non plus de rêvez pendant toute l’année qui vient, et l’année d’après, et celle qui suivra. En fait, n’arrêtez jamais de rêver.
Allez, faites un voeux!
Chaleureusement,
Emmanuella Kahete